ENSEIGNER ? APPRENDRE ?

d’après Jean-Pierre LEPRI

Se Former + , S 10, février 1992

 

“Voir ce qui est évident n’est pas évident”    Georg Kreisel

 

1) ENSEIGNER ?                   3 acceptions

 

1.1  Enseigner, signaler (du latin “insignare”)

C’est montrer quelque chose qui est déjà là. La forme la plus courante est l’exposé. On peut montrer aux élèves les savoirs constitués, dé-montrer comment ils ont été constitués, montrer le bon chemin (comment, par exemple, avoir de bonnes notes), montrer l’étendue de son propre savoir. Dans ce cas, enseigner, c’est renseigner. C’est travailler sur et avec le signal. Un signal, c’est ce qui véhicule une information visuelle, sonore, électrique , chargée de déclencher un comportement.

L’enseignement peut être une signalisation (emploi et disposition de signaux destinés à assurer un cheminement rapide et sûr), une signalétique (science des signaux), ou au mieux un signalement (description de quelque chose que l’on veut faire reconnaître). L’enseignement est de l’ordre de la montre, du signal, donc du conditionnement.

 

1.2  Enseigner, en-signer

C’est mettre dans les signes (comme en-terrer). Le signe n’est plus le signal. Le signe a à voir avec la signification (le sens) et signer, c’est s’engager. Si le signal renvoie à un code, une convention, le signe renvoie au sens c’est-à-dire, sensations, sensibilité qui est de l’ordre de l’humain. Le signe apparaît dès que le couple stimulus-réponse n’est plus automatique mais exige une troisième entité : le symbole qui demande une interprétation. Si le signal est du déjà-là intériorisé par le sujet, le signe est sans cesse élaboré, construit, voire ré-élaboré, re-construit par le sujet. La vie humaine n’existe que par les signes (cf Umberto Eco, le signe, Bruxelles, Labor, 1988)

“M. Sigma, Italien en voyage à Paris. a mal au ventre, sensation confuse. essaie de donner un nom à des stimuli imprécis. les dénommer pour les culturaliser. coliques, nom permettant de rendre comparables ses sensations à des expériences déjà notées dans les livres de médecine. avec ce nom coliques, possibilité d’entrer en relation avec un médécin. Ce mot est un signe. mais problème plus complexe, rendez-vous avec un médecin. trouver un annuaire: signes graphiques précis indiquant qui est médecin et comment l’’atteindre. entre dans un bar pour téléphoner. selon le pays, le téléphone se trouve dans un endroit précis. à Paris, au sous-sol, à côté des toilettes. compose le numéro. son (signe) indiquant que la voie est libre. voix en français . traduire d’une langue à l’autre . adresse du médecin: signe qui renvoie à une position précise dans la ville, dans l’immeuble . heure de rendez-vous: possibilité pour le médecin et M. Sigma de se reporter à un système de signes à usage universel: le cadran de l’horloge. se rendre au rendez-vous: taxi (signe de reconnaissance) etc...”

Enseigner, c’est donc faire acquérir des signes, c’est-à-dire faire produire du sens. Mais les enseignants sont-ils formés à la sémiotique (la science des signes) ?

 

1.3 Enseigner, en-seigneur

Enseigner est une opération effectuée par un être humain donc qui n’existe jamais seule, qui doit compter avec d’autres, se développer avec d’autres comme plaire, être aimé, loi du moindre effort, passer le temps, avoir du plaisir...

De plus, la fonction d’encadrement du temps et de l’espace semble première pour les élèves comme pour les enseignants. Enseigner serait alors encadrer. Des maîtres (des seniors, des seigneurs) encadrent le temps et l’espace des élèves (des juniors, des vassaux) dans un lieu strictement limité, pendant un horaire donné. Et le medium (ici la structure organisationnelle) est aussi le message. Moyennant quoi, enseigner revient à trier entre les élèves qui comprennent et les autres. Ainsi l’enseignement profite à qui il doit profiter.

 

Enseigner, c’est donc montrer des modèles avec l’intention et l’espoir qu’ils seront de la plus grande utilité à ceux à qui on les montre.

De cette analyse, on peut retenir au moins deux choses:

1. La montre (de modèles) peut être plus ou moins claire et il y a donc des montres qui sont meilleures que d’autres (dans une situation donnée et non dans l’absolu) et ces montres sont susceptibles d’amélioration.

2. La montre (de modèles) se fait toujours dans un cadre, lequel est partie intégrante de la montre et, est donc, en permanence, montré avec ce modèle; le modèle montré est donc en réalité et de manière indissociable, un super-modèle composé du modèle de la montre (sa structure), du modèle implicite du montreur (en fonction de son expérience et de son vécu) et du modèle qu’on a l’intention de montrer.

 

2) APPRENDRE ? 3 ancrages

 

Apprendre (du latin “apprehendere”) signifie saisir, concevoir, comprendre mais donne aussi appréhender c’est-à-dire saisir physiquement ou craindre, avoir peur et donc apprendre, c’est peut-être un peu de tout cela. Ap-prendre, comme ag-graver, ac-crocher, ap-profondir, c’est aller vers le prendre, la prise. C’est donc tout ce qui précède le prendre et se dirige vers lui. Ce n’est pas le pris, l’appris mais c’est tout ce qui conduit vers cet appris.

Apprendre, c’est seulement le cheminement, ce n’est pas le but, un cheminement vers ce qu’on ne sait pas déjà.

Apprendre suppose un changement mais tout changement n’est pas un apprentissage (exemple: la peau qui rougit n’a pas appris à le faire mais on peut apprendre à bronzer au soleil).

                                                                                                                                                               

2.1 Apprendre, c’est “aller vers”

On ne peut apprendre que ce qu’on ne sait pas déjà. Et dès l’instant où on sait quelque chose qu’on ne savait pas, on ne l’apprend plus, on l’a appris.

Donc, tout ce que l’on peut observer n’est jamais que le résultat, que l’un des résultats de l’apprentissage et non l’apprentissage lui-même. Conséquences:

- on ne peut observer, mesurer l’apprendre mais seulement ce qui est appris.

- on ne peut pas savoir comment on apprend, ni ce que l’on apprend exactement car si le but recherché peut être plus ou moins clair, le cheminement vers ce but est insaisissable et en plus, on apprend certainement d’autres choses que celles que l’on vise.

- ce cheminement est fonction de ce que l’on sait déjà et des cheminements antérieurs. Si un apprentissage donné a une fin, il n’a pas véritablement de début et chaque fois que l’on mesure ce qui est su ou appris, on mesure, en fait, tout ce qui a précédé ce qui est appris et su.

- le cheminement inobservable varie selon les expériences antérieures de chacun et il est vraisemblable que chacun apprend différemment des autres.

- le fait que le résultat visé n’apparaît pas ne dit rien sur le fait qu’on est ou non en train d’apprendre ce qui permet d’atteindre ce résultat. On peut donc être en train d’apprendre une compétence ou un comportement même si le résultat est décevant par rapport au résultat visé.

Même si l’on ne peut parler que des résultats de l’acte d’apprendre, il convient encore d’être prudent car on peut distinguer 2 types de résultats: la consommation et l’effet. Exemple: dans l’accouplement, la consommation, c’est certains phénomènes accessoirement liés au transport de la semence, du mâle vers la femelle, et qui en réalité, n’entraînent pas nécessairement la fertilisation (l’effet). Et parce que la mesure de l’effet d’un apprentissage est difficile, on s’en tient souvent à la mesure de sa consommation.

 

2.2 Apprendre, c’est réduire

Selon la représentation habituelle, ap-prendre, c’est prendre “en plus”, ajouter de nouveaux savoirs, de nouvelles compétences aux précédents. Dans cette perspective, les capacités seraient peu nombreuses au départ et augmenteraient au fur et  mesure des apprentissages. C’est une représentation sans fondement mais qui n’en est pas moins répandue et dominante et qui inspire toute la pédagogie pratique, voire théorique.

Or, tout porte à croire que le petit d’homme porte en lui tous les possibles et que tout l’apprentissage consistera à réduire chaque fois davantage ces possibles, pour chaque fois davantage les ajuster et les préciser par rapport à son environnement. Dans cette perspective, comme le résume JP CHANGEUX, apprendre, c’est éliminer. C’est éliminer, non seulement les “erreurs” (tout ce qui n’est pas suffisamment adapté au milieu et au propos) mais encore tout ce qui ne sert à rien (dans un milieu et pour un propos donné). (exemple: un enfant qui apprend à parler sélectionne parmi l’ensemble des sons de son appareil phonatoire ceux qui lui sont utiles et perd au fur et à mesure la possibilité d’en prononcer d’autres). On peut se demander  pourquoi alors qu’on assiste à une réduction des capacités potentielles, on peut observer une augmentation des capacités opérationnelles. En fait, cette augmentation ne serait pas due à l’ajout ou l’incorporation de nouvelles capacités, mais à une interconnexion plus complexe des éléments du système.

 

2.3 Du surprendre pour apprendre

“ l’erreur consiste à croire que « n’importe quelle information » peut être génératrice de connaissance [...]. Il y a connaissance quand, parmi l’information, apparaît une singularité; il y a connaissance quand il se produit un entrecroisement singulier entre la chose et le sujet réceptif (sujet passionnel, jamais passif) “ Eugenio TRIAS, Traité de la passion.

Seul, ce qui est inattendu “touche”. Et seul ce qui touche “provoque” une reconsidération, qui peut être une confirmation de l’état antérieur, de la représentation du monde et du comportement. “Ce qui me meut, c’est ce qui m’émeut”, reconnaît le sage.

On voit combien les pédagogues bien intentionnés sont loin de leur propos lorsqu’ils évitent toute passion, tout incident, toute surprise... voire nient toute passion, alors que c’est précisément la passion - à ne pas confondre avec le désir - qui seule engendre la connaissance. On comprend pourquoi l’inattendu (un échec, alors qu’on s’attend à réussir, ou bien une réussite, alors qu’on s’attend à échouer...) peut jouer un rôle moteur dans l’apprentissage. On peut comprendre pourquoi les méthodes actives ou la méthode des essais et des erreurs peuvent, lorsque (et seulement si) l’inattendu et la passion y trouvent place, être sources d’apprentissage. Et comment, précisément parce qu’elles font place (sans le dire) à la passion, elles peuvent être aussi redoutées de certains pédagogues. Toutefois, la passion est tellement inévitable qu’on est contraints de lui substituer un ersatz, un simulacre: les notes, les sanctions, les éloges, les défis...

L’expérience et l’observation montrent que tout système vivant a tendance à se conserver comme système en équilibre, qu’il s’agisse d’un individu ou d’un groupe social. Ce ne sont pas tant les échanges avec l’extérieur qui modifient ce système. Ce sont surtout les échanges qui sortent de l’habitude, les inattendus... Et ce ne sont pas tant ces “inattendus extérieurs” qui modifient eux-mêmes le système que la recherche constante et permanente d’un équilibre endogène. C’est cette recherche d’un nouvel équilibre qui va modifier l’organisation intérieure du système.

C’est pour cela que la passion -qui naît de la marge et de l’inattendu et meurt de la norme et de la banalisation- est le ferment d’une réorganisation de la représentation du monde. C’est sans doute pour cela -parce qu’elles répondent à des “questions” moins perturbatrices pour l’équilibre interne - que les réponses “oui” sont préférées par les apprenants et préconisées par certaines pédagogies , au détriment des réponses “non”.

Le “surprendre” est donc bien le facteur du “comprendre” et de l’ “apprendre”. Parce que le “surprendre” ne peut être que le fait d’un sujet passionnel, l’ “apprendre” ne peut être que le fait d’un sujet passionnel. L’ “apprendre” ne peut aussi n’être qu’un “s’apprendre” dont le seul maître est un sujet passionnel confronté à un environnement.                                                                                                      

3) ENSEIGNER-APPRENDRE ?

 

L’analyse qui précède a tenté de montrer ce qu’est enseigner: signaler ou “mettre dans les signes”, opération toujours en contexte et donc toujours “multivoque” ou équivoque, ce qu’est apprendre: “cheminement vers” (inobservable), réduire l’inutile et les incertitudes-erreurs, être surpris et passionné.

Le couple enseigner-apprendre n’en formera un que pour autant que chacune des deux opérations se trouveront liées l’une à l’autre, d’une manière ou d’une autre. Avant d’analyser ces éventuels liens, il ne nous paraît pas inutile d’analyser les représentations courantes du couple enseigner-apprendre.

 

3.1 Enseigner-apprendre : représentation 1 = communiquer

Sans doute, un enseigner-apprendre réussi peut ressembler à une communication réussie, dans laquelle le Récepteur (l’élève) comprend et agit selon l’intention de l’Emetteur (l’enseignant). La pédagogie, plus particulièrement celle du signal, a vraisemblablement beaucoup à tirer de la science de la communication, notamment pour améliorer le signalement.

Le schéma de base de la communication est celui de SHANNON (1939)

                    

L’émetteur et le récepteur ont un “backround”, tout un système de références antérieures qui leur sont propres. L’émetteur envoie son message, à partir de son “backround”, dans un code aproprié au canal qu’il utilise et au récepteur (à l’image qu’il en a). Le récepteur le “décode” et le reçoit. Toutefois des “bruits” de toutes natures peuvent interférer dans la communication et la rendre difficile. L’émetteur peut envoyer le même message sous d’autres formes (redondance) et recevoir en retour (“feed-back”) des messages du récepteur qui peuvent l’aider à moduler son propre message. Le tout, à chaque instant, se situe dans un environnement donné.

Ce qui semble central, dans un tel schéma, c’est l’information/le message de l’émetteur. Tout le reste intervient, soit pour faciliter son transfert, soit pour le rendre plus difficile. La passion, chez le récepteur, n’apparaît pas, si ce n’est comme un “bruit”, alors qu’elle est le moteur du comprendre-apprendre. Dans ce schéma, ce qui se passe à l’intérieur du récepteur n’apparaît pas -l’important est le message de l’émetteur.

En deuxième lieu, l’émetteur, malgré son “backround” et le contexte, apparaît épuré. En réalité, aucun acte d’enseigner n’est pur. Il se déroule toujours en un temps et un lieu donnés et les circonstances de son déroulement sont parties indissociables et fondamentales de son déroulement même, sans lesquelles il ne pourrait avoir lieu.

Enfin, l’information ou le message n’en sont pas, en eux-mêmes. Les savoirs, pas plus que le message, ne sont pas transférés de l’enseignant-émetteur à l’élève-récepteur.. Ce qui est transmis, ce ne sont, au mieux, que des ondes sonores, lumineuses ou d’une autre nature. Ce qui en fait un message pour l’émetteur, pour le récepteur ou pour l’observateur, c’est le sens que ces ondes prennent pour ceux-ci.Mais ce ne sont jamais que des ondes et, pour beaucoup, ce n’en restera jamais que des ondes et jamais des informations. En réalité, toute connaissance, toute pensée... doit être reconstituée  par le récepteur, sans assurance qu’elle le soit, ou du moins, qu’elle le soit comme à l’original. On ne dépose pas le savoir dans la tête des élèves comme on dépose de l’argent à la banque (conception “bancaire” de l’éducation dénoncée par Paulo FREIRE).

 

 

3.2 Enseigner-apprendre : représentation 2 = médiatiser

Jean HOUSSAYE a proposé un schéma plus séduisant dans lequel l’enseignant, l’élève et le savoir forment les 3 pôles d’un triangle:

 

               

 

Comme parfois dans un trio, les relations peuvent être duelles, surtout si, comme au bridge, l’un des trois partenaires fait le “mort”. Certaines pédagogies ont privilégié la relation enseignant-élève, d’autres la relation enseignant-savoirs, d’autres enfin la relation élève-savoirs.

Ce triangle a l’avantage de faire apparaître qu’il existe, en réalité, toujours 3 procédures distinctes et même différentes dans un acte pédagogique. Mais ce schéma malgré son grand intérêt souffre de la même critique que le précédent car les savoirs, l’enseignant, l’élève... ne sont pas des entités pures, abstraites, mais sont toujours indissociablement liés aux circonstances qui les matérialisent et les façonnent.

                                                                                                                                                               

3.3 Enseigner-apprendre, c’est relationner

Les savoirs, l’enseignant, l’élève ne sont pas des entités “pures” ni statiques, mais elles sont toujours reliées à un environnement, à un espace, à un temps... duquel elles ne sont jamais séparables et qui leur donne un sens. Aussi, nous permettons-nous de proposer simplement un tétraèdre, dans lequel chaque entité se trouve reliée, à tout instant, à cet environnement matériel, institutionnel, historique, biologique, climatique... qui façonne et donne un sens à ces entités, comme à leurs relations.

                         

 

                           

 

Dans cette perspective, enseigner-apprendre, c’est, lorsque les conditions s’y prêtent, permettre que la relation enseignant-élève-savoirs prenne sens dans un environnement donné. Mais il nous paraît plus important encore de rechercher, à la lumière des analyses précédentes, à quelles conditions le couple enseigner-apprendre en forme véritablement un.

 

3.4 Enseigner-apprendre, c’est signifier

Enseigner, c’est “signaler”, mettre “dans les signes”, mais en le faisant toujours indissociablement au milieu et avec d’autres signalements, d’autres signes.

Apprendre est un cheminement vers (inobservable), c’est réduire l’inutile et les incertitudes-erreurs, sous l’effet d’une “passion”.

Pour qu’enseigner et apprendre se correspondent, il suffit (!) que les les signaux et les signes de l’enseignant (ceux qu’ils se proposent de faire “acquérir”, ainsi que ceux qu’il est obligé d’utiliser pour ce faire) correspondent au cheminement, au travail d’affinement que l’apprenant réalise, sous l’effet d’une passion.

Il s’agit d’un système complexe qui n’est pas pour autant non-maîtrisable, pour peu qu’on l’envisage dans sa complexité -et non exclusivement dans tel ou tel de ses aspects.

On voit que le moteur et le point d’accroche sont la passion. Et la passion naît de l’inattendu, de la marge. On peut imaginer qu’il est possible de signaler, “mettre en signe”... des éléments qui correspondent au cheminement, à l’affinement et à la passion de l’apprenant. Encore faut-il que les signaux et les signes pour le faire ne “tuent” pas la passion de l’apprenant.

Encore faut-il que les nouveaux signaux ou les nouveaux signes installés, sans pour autant “créer” une nouvelle passion (ce qu’ils ne peuvent faire à eux seuls), laissent et proposent suffisamment de marges et d’inattendus pour permettre l’émergence de la passion , puis son entretien - ainsi que les cheminements et les affinements qu’elle provoque.

L’enseignement est donc une “réponse” et non une “question”. (alors que dans l’enseignement, la question est, le plus souvent, l’apanage de l’enseignant. Et les questions que pose l’enseignant sont rarement les questions que se pose l’élève, ni d’ailleurs celles que se pose l’enseignant puisqu’il en connaît déjà la réponse). Mais c’est une “réponse” indirecte, en ce sens qu’elle ne répond pas à la question, mais qu’elle propose des éléments parmi lesquels celui qui apprend peut trouver, construire sa réponse. C’est une “réponse” qui permet donc, certes de “clore” une question, mais qui offre également des marges à partir desquelles pourraient naître d’autres questions - mais qui, si elle fait s’interroger ou si elle interpelle, ne questionne pas.

 

Le système enseigner-apprendre n’en est un que par le sens. Il faut certes qu’enseigner ait un sens pour l’enseignant et qu’apprendre en ait un pour l’apprenant. Il faut encore que ce qui est enseigné (dans son inextricable complexité) ait un sens pour l’apprenant et, réciproquement que ce qui est appris ait un sens pour l’enseignant. Il faut en outre que ces sens aient une relative congruence pour que les “réponses” qu’ils génèrent ne fassent pas éclater ou éteindre le système, mais l’alimentent comme système. Il faut enfin que le sens du système lui-même - lorsqu’il parvient à fonctionner comme tel - puisse perdurer, au besoin en se reconstruisant, sous les influences extérieures pour que le système continue de fonctionner comme tel.

                                                                                                                                                                                Fin du document